You are currently viewing [Interview] Faire progresser la protection environnementale dans l’Industrie pétrolière et gazière offshore

[Interview] Faire progresser la protection environnementale dans l’Industrie pétrolière et gazière offshore

Le Directeur du Partenariat régional pour la conservation des zones côtières et marines en Afrique de l’Ouest (PRCM), Ahmed Senhoury, s’est récemment entretenu avec Madame Anne-Laure, journaliste travaillant pour le magazine Energy Capital & Power. Les questions environnementales en lien avec le changement climatique, la pêche illicite, la pollution et ses risques pour le littoral du MSGBC, ont été au menu des discussions. Retrouvez ci-dessous l’interview intégrale

Anne Laure (AL) : Parlez-nous des projets en cours au sein du PRCM ?

Ahmed Senhoury (AS) :  Le PRCM met en œuvre un programme de conservation des zones marines et côtières depuis plus de 20 ans. Nous sommes actuellement dans une phase programmatique de 2023 -2027, et nous avons lancé plusieurs projets, dont le projet RESILAO, qui vise à renforcer les écosystèmes côtiers et marins et à améliorer leur résilience. Un autre de nos de nos projets porte sur l’initiative COBIA qui vise à promouvoir la gestion précautionneuse des activités pétrolières et à réduire leur incidence      sur la biodiversité. Nous avons également des programmes spécifiques dont un portant sur la protection des tortues marines dans tous les pays MGSCB (Mauritanie, Sénégal, Gambie, Guinée Bissau et en République de Guinée), un autre sur la gouvernance des Pêches au Sénégal et en Guinée et un troisième qui vise à améliorer la connaissance des zones marines et côtières et de leur biodiversité au Sénégal. 

AL : Pouvez-vous nous présenter le littoral du bassin MSGBC et sa biodiversité marine ?

AS : Le littoral du Bassin Mauritanie, Sénégal, Gambie, Guinée Bissau et en République de Guinée (MSGBC) qui fait partie de la zone du PRCM, est un écosystème incroyablement riche et fragile à la fois.  Historiquement, c’était l’une des zones de pêche les plus abondantes au monde, abritant des ressources biologiques variées. Des millions d’oiseaux, des milliers de tortues de mer, des phoques moines, des baleines et des dauphins vivent dans cette zone. Cependant, elle est menacée par le changement climatique, car une grande partie de ce littoral se trouve sous le niveau de la mer. L’augmentation des températures et du niveau de la mer présente des risques pour les écosystèmes et les ressources vulnérables. La pêche illégale, la pollution, les activités de transport maritime et la présence de projets pétroliers mettent également la région en danger. Malgré ces défis, le Banc d’Arguin, le Saloum et les Bijagos sont des aires protégées d’importance mondiale dans notre sous-région, soulignant la richesse et la fragilité de nos zones côtières.

AL : Comment le PRCM collabore-t-il avec les entreprises impliquées dans des projets offshore, telles que bp ?

AS : Notre collaboration avec les entreprises et le gouvernement consiste essentiellement à fournir des informations et à influencer les décisions pour qu’elles tiennent compte des contraintes environnementales. Nous participons aux débats sur les études d’impact environnemental et tenons la société civile informée. Nous organisons également des sessions de formation pour diverses parties prenantes, y compris les parlementaires et les ONG. Notre objectif est de veiller à ce que les préoccupations environnementales soient prises en compte dans le secteur du pétrole et du gaz.

Avec bp, nous nous concentrons principalement sur le Sénégal, où nous avons lancé un programme de recherche. Son objectif est d’encourager les initiatives de recherche menées par des entités sénégalaises afin d’améliorer l’expertise dans le domaine de l’environnement marin et côtier. Le programme vise également à générer des informations et des données précieuses dans ces domaines. Dans le cadre de cette initiative, nous avons à la suite d’un appel à candidature, retenu trois universités sénégalaises dont la Fondation Centre Régional de Recherches en Eco toxicologie et Sécurité environnementale (CERES-Locustox), le Centre de recherche Océanographique de Dakar-Thiaroye (CRODT), le laboratoire de Physique de l’Atmosphère et de l’Océan Siméon Fongang (LPAO-SF) de l’Ecole Supérieure Polytechnique de l’université Cheikh Anta Diop, pour entreprendre des projets spécifiques qui contribueront à une meilleure compréhension de l’environnement marin et côtier du Sénégal.

AL : Quelles approches utilisez-vous pour gérer le développement des infrastructures pétrolières et gazières ?

AS : Nos principales approches consistent à désigner et à soutenir la classification des zones sensibles et menacées en tant que zones protégées, car cela s’avère être le moyen le plus efficace de les sauvegarder. Par exemple, le gouvernement de Guinée-Bissau a soumis un dossier à l’UNESCO pour que les îles Bijagos soient classées comme patrimoine mondial. Elles sont actuellement classées pour leur caractère culturel, mais nous espérons qu’elles seront également acceptées pour leurs aspects naturels et leur biodiversité.

Nous nous attachons également à améliorer la gestion des études d’impact sur l’environnement. Lorsque des projets sont entrepris sans évaluation appropriée, nous plaidons en faveur d’audits et aidons les gouvernements à réaliser des études d’impact environnemental, en particulier pour les projets d’infrastructure ayant des implications significatives.

En outre, nous avons mis au point divers outils de gestion des ressources, tels      que des études de faisabilité sur les zones côtières et des plans de gestion pour des espèces telles que les petits pélagiques ou les raies et requins, afin de relever les défis de la surexploitation. Nos efforts portent également sur la promotion de la transparence dans la gestion des ressources halieutiques, la gouvernance et la prise de décision, en particulier en ce qui concerne les activités pétrolières et gazières.

AL : Avant la construction du projet Grand Tortue Ahmeyim, il y avait des inquiétudes concernant la pêche au Sénégal et en Mauritanie. Collaborez-vous avec les communautés locales ? Êtes-vous également impliqués dans la sensibilisation des communautés locales aux pratiques de pêche ?

AS : Nous collaborons étroitement avec les communautés locales, principalement par l’intermédiaire des fédérations de pêche nationales et régionales. Notre objectif est de travailler en étroite collaboration avec les pêcheurs, en menant des actions ciblées pour influencer leurs pratiques de pêche et les encourager à les améliorer. Nous discutons avec eux, abordons les pratiques néfastes et les sensibilisons à divers facteurs tels que le changement climatique et l’avenir de l’industrie pétrolière et gazière, car les conflits d’intérêts sont inévitables. Il est essentiel de les aider à comprendre l’importance de trouver un équilibre entre la préservation de la pêche comme moyen de subsistance et les possibilités de développement que le secteur de l’énergie offre pour le progrès national et le soutien financier. Notre objectif est de favoriser la collaboration et la coopération et de les doter de meilleures connaissances et compétences en matière de négociation afin qu’ils puissent mener à bien leurs activités sans conflit.