Petits Pélagiques

Amélioration de la transparence dans la gestion des petits pélagiques Afrique de l’Ouest

Par :

BANGOURA Nabi Souleymane1 et Cyrille MBANGUE2 

1- Juriste, consultant et expert indépendant

2- Responsable de la communication, du plaidoyer et de la capitalisation au PRCM

Les populations guinéennes sont majoritairement ichtyophages. Comme sources de protéine et de création d’emplois, les petits pélagiques revêtent un poids économique et social notable. En effet, ils jouent un rôle majeur dans l’alimentation et dans l’augmentation des revenus des populations des zones côtières qui vivent directement ou indirectement de la pêche en Afrique de l’Ouest. En effet, étant de valeur marchande moindre par rapport aux démersaux, les petits pélagiques constituent la source principale de protéine d’origine animale la plus accessible aux couches impécunieuses. En Guinée, la consommation per capita de poisson, toutes espèces confondues, est de 21,5 kg. Aux Etats côtiers de l’Afrique de l’Ouest, les petits pélagiques procurent des devises étrangères par la concession des droits de pêche aux armateurs étrangers et par l’exportation des captures.

En Guinée, la pêche aux petits pélagiques est intensive. Elle est pratiquée par des navires de pêche artisanale de petites tailles communément appelés « pirogues » qui utilisent la ligne, les sennes tournantes et les filets maillants encerclants. Les pêcheurs artisanaux fréquentent les ports qui leur sont affectés, au nombre de 234, en 2016, répartis le long des côtes guinéennes avec un parc de 7 538 navires de pêche artisanale motorisés à 43%. 

Quant à la pêche industrielle ciblant les petits pélagiques, elle est pratiquée par des navires battant le pavillon de la Russie ou de l’Ukraine, sous affrètement par des sociétés de droit guinéen. En 2017, ce sont 91 navires de pêche industrielle de gros tonnage, à grand rayon d’action et de grande autonomie, qui ont été inventoriés dont 3 chalutiers pélagiques. Une partie des captures réalisées par les navires de pêche industrielle, ciblant les petits pélagiques, est exportée en direction de l’étranger notamment la Sierra Leone et la Côte d’ivoire, sous forme de congelés, sans aucun début de transformation. Il s’agit principalement de trois espèces de petits poissons pélagiques à savoir les sardinella spp, les decaterus spp, et les scombercolias .

Les petits pélagiques sont dans un état de pleine exploitation relativement à certains, voire de surexploitation par rapport à d’autres. Cette situation résulte de la surcapacité de pêche, des pratiques de pêche hors pêche responsable et du manque de coopération sous-régionale, aux fins de gestion concertée des stocks à cheval sur les lignes de délimitation des eaux maritimes entre les Etats côtiers, notamment entre la Guinée et ses voisins.

Etat des lieux des politiques de transparence dans la gestion des petits pélagiques

Une Administration transparente informe les citoyens sur ce qu’elle fait. En Guinée, l’objectif général de la politique du gouvernement dans le secteur des pêches « est d’améliorer considérablement la contribution du secteur de la pêche et de l’aquaculture au développement économique de la Guinée, à la sécurité alimentaire, à la réduction durable de la pauvreté et à la protection environnementale ». L’objectif de la politique sectorielle est donc connu. Pour l’heure, ni la « Lettre de politique de développement des pêches », ni le « Document-Cadre de politique des pêches et de l’aquaculture » n’aide à saisir exactement ce que recouvre la politique sectorielle du gouvernement en matière de pêche en ce qu’ils n’exposent nullement et nettement, c’est-à-dire distinctement et explicitement, le contenu de celle-ci.

L’objectif reformulé qui consiste à « améliorer considérablement la contribution du secteur de la pêche…au développement économique de la Guinée » semble absurde en ce qu’il ne tient pas compte de l’état de la ressource. Le secteur suit une tendance décroissante au regard des quantités de captures déchargées due à la pleine exploitation ou à la surexploitation de la plupart des stocks, y compris des petits pélagiques. Parmi les pélagiques, il est noté, dans le plan d’aménagement des pêcheries, pour l’année 2020, que les ethmaloses sont surexploitées depuis 2013.

La politique sectorielle est le socle de toutes actions à entreprendre dans le cadre de l’amélioration de la gouvernance des pêches en général, et dans la gestion des petits pélagiques en particulier.

La transparence occupe une place-clé dans les efforts de reformes dans le secteur de la pêche, notamment à la suite de la parution, en 2013, du Règlement de la Commission européenne qui décida de l’inscription de la Guinée sur la liste des Etats non coopérants dans la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non règlementée. Nonobstant les efforts accomplis, force est de reconnaître que les progrès restent insuffisants et lents.

La loi n°2015/026/AN du 24 septembre 2015 portant code de la pêche maritime porte en son article 17 point 1, l’établissement d’un plan d’aménagement par pêcherie. Pour l’heure, malgré cette prescription légale, le plan d’aménagement annuellement adopté couvre à la fois toutes les pêcheries. Nonobstant l’existence au sein du ministère en charge de la Pêche d’une Direction nationale exclusivement en charge de l’Aménagement des Pêcheries, pour plus de transparence, la confection du projet de plan engage également d’autres services du ministère en charge de la Pêche, puis adopté avec la participation des représentants de la profession et de la frange de la société civile qui s’intéresse au devenir des ressources halieutiques. C’est à ce titre qu’aux fins de l’amélioration de la gouvernance des pêcheries, pour plus de transparence dans la gestion des stocks, y compris les pélagiques, l’arrêté n°2019/6265/MPA/CAB du 31 décembre 2020 institue deux organes que sont : le Comité technique et le Comité consultatif.

Le Comité technique est composé, outre la Direction nationale de l’Aménagement des Pêcheries, d’autres services du ministère en charge de la Pêche maritime que sont : la Direction nationale de la Pêche maritime (DNPM), la Direction nationale de l’Economie maritime, le Bureau Stratégies et Développement, le Centre national des Sciences halieutiques de Boussoura, le Centre national de la Surveillance et de la Police des Pêches (CNSP) et l’Office national du Contrôle sanitaire des Produits de la Pêche et de l’Aquaculture. Le comité technique est chargé de préparer le projet de Plan d’Aménagement des Pêcheries (PAGP).

Le Comité consultatif comprend les représentants des professionnels œuvrant dans le secteur de la pêche, les représentants de la frange de la société civile qui s’intéresse au devenir des ressources halieutiques et les représentants de l’Administration. Le Comité consultatif est une plateforme de concertation entre l’Administration, les professionnels de la pêche et la Société civile en vue de proposer, au ministre en charge de la pêche, les solutions aux problèmes qui pourraient apparaître dans l’exécution du PAGP et d’autres qui concernent les professionnels dans leurs relations avec l’Administration.

Des outils d’aide à l’amélioration de la transparence dans la gestion des stocks, y compris les petits pélagiques, que sont la cogestion des pêcheries et la surveillance participative ont été mis en place.

La cogestion fédère deux composantes que sont : les aires marines protégées (AMP) et la surveillance participative. Les AMP ont le mérite de mettre ensemble l’Administration et toutes les parties prenantes pour définir conjointement les mécanismes de gestion concertée des pêcheries, y compris petits pélagiques, en vue de réduire les risques d’effondrement du milieu aquatique, au demeurant très sensible.

La surveillance participative, autrement dénommé « co-surveillance », est évoquée par l’Arrêté n°006/MPA/SGG/2006 du 2 février 2006 portant règlementation de la pêche artisanale en république de Guinée. Il s’agit d’un instrument mis en place aux fins de « mise en œuvre des moyens et techniques de surveillance par une équipe commune ou mixte composée d’agents de l’Administration et des professionnels ». C’est une approche de proximité visant à impliquer davantage les exploitants en les responsabilisant.

L’arrêté, mentionné au paragraphe ci-dessus, a institué les Comités de Développement des Débarcadères (CDD) qui ont pour mission, entre autres, « de participer au suivi de l’application des mesures d’aménagement des pêcheries côtières…(et) d’exercer la surveillance participative sous l’égide et en partenariat avec le CNSP (article 15). En outre, il est attribué au CDD le pouvoir de désigner les pêcheurs informateurs devant travailler sur le terrain avec les agents du CNSP. Il y a autant de CDD qu’il y a de débarcadères.

Dans le cadre du renforcement de la transparence, une commission de transaction à l’égard des navires de pêche en infraction est instituée par le code de la pêche maritime. Elle regroupe, sous la présidence du préfet maritime, un représentant de la Primature, du cabinet du ministère en charge des Pêches, de la Marine marchande, de la Préfecture maritime, du CNSP, de la DNPM, de l’Etat-major de l’Armée de mer, de la profession et l’agent verbalisateur du CNSP.

Il importe de rappeler qu’en début d’année, il est publié un bulletin statistique des pêches maritimes. Ce bulletin présente les statistiques de l’année précédente.

Par ailleurs, en mai 2016, le président de la République a officiellement engagé la Guinée à rejoindre la Fisheries Transparency Initiative ( FiTI) afin d’accroître la transparence dans le secteur de la pêche sur la base d’un processus collaboratif et participatif.

La FiTI est une initiative multipartite globale qui vise à rendre la pêche plus responsable et l’utilisation des ressources halieutiques plus durable par le biais de la transparence. C’est le cas depuis quelques années en Guinée, dans le domaine minier avec l’Initiative de Transparence dans les Industries extractives. La transparence, au sens de la FiTI, s’appuie deux piliers :

  • La reconnaissance et la garantie du droit d’accès à l’information du citoyen en rapport avec le secteur des pêches maritimes ;
  •  L’association de l’ensemble des institutions et des acteurs publics et privés, à la conception, à l’élaboration et à la mise en œuvre des plans de gestion des ressources halieutiques, selon une approche participative de gouvernance négociée. Cette approche favorise la mise en œuvre des mécanismes de cogestion et de surveillance participative.

Pour l’instant, au niveau mondial, il n’y a pas de consensus sur les informations qui devraient être rendues publiques.  

Le 15 juin 2016, la Guinée a été désignée Etat pilote du Groupe consultatif international de la FiTI lors du Deuxième Sommet à Madrid (Royaume d’Espagne). En tant qu’Etat pilote, la Guinée s’est engagée à mettre en place le Groupe multipartite national et d’adhérer à la FiTI.

C’est sous ce rapport que le ministère en charge de la pêche a organisé, à Conakry, du 12 décembre 2016 au 13 décembre 2016, avec l’appui du Partenariat Régional pour la conservation de la zone Côtière et Marine (PRCM), un atelier d’information et de sensibilisation sur la transparence dans le secteur de la pêche. Lors de cet atelier, qui a permis aux participants d’échanger sur l’existant et d’identifier les gaps en lien avec les attentes, une feuille de route a été adoptée par les participants.

En début de l’année 2017, la Guinée a émis et publié un engagement officiel aux fins de mettre en œuvre de la FiTI.

Dans le cadre de la mise en œuvre du processus d’adhésion à la FiTI, un atelier y afférent a été organisé dans la salle de conférence du ministère en charge de la pêche, du 28 mars 2017 au 29 mars 2017, grâce à l’appui apporté par le PRCM, avec la participation d’une trentaine de représentants du secteur public et des acteurs non étatiques (ONG et Profession), du Secrétariat international de la FiTI et du PRCM. Des communications qui ont été faites portaient sur la genèse et l’exégèse de la FiTI, son organisation et son fonctionnement au niveau international.

Le point d’ancrage institutionnel de FiTI-GUINEE est le ministère en charge de la pêche qui, depuis le début, pilote le processus d’adhésion à la FiTI. Sont, en suspens, l’adoption du projet de décret, par le président de la République, portant institution de FiTI-Guinée, transmis depuis 2017 au Secrétaire général du Gouvernement, la désignation du Responsable national qui représentera la Guinée au sein du Conseil d’administration de FiTI.

Les prochaines étapes à franchir sont :

  • La tenue de deux réunions de concertations avec les représentants des acteurs non étatiques aux fins de l’établissement du Groupe multipartite national. Selon les standards de la FiTI, les trois groupes des parties prenantes (Etat, ONG, Profession) doivent être à représentation égale. Le Groupe devra participer à la collecte et à la vérification des informations à publier.
  • La nomination du Responsable national ;
  • La mise en place du Secrétariat national.

Les bénéfices de la transparence pour les économies des pays

La transparence, comme moyen d’examiner et d’évaluer la gouvernance, est un instrument de prévention de la corruption, de la concussion et de détournement des deniers publics. Elle :

  • Instaure, rétablit quand elles sont rompues, et développe les relations entre l’Administration et le public, condition pour préserver la confiance ;
  • Assure l’impartialité des règles édictées en matière d’exploitation, de gestion et de conservation des ressources halieutiques ;
  • Permet d’amorcer, de réinstaller s’il est rompu, et de dynamiser le dialogue entre l’Administration, les représentants de la pêche artisanale, les entreprises de pêche industrielle et la frange de la société civile qui s’intéresse au devenir des ressources halieutiques au large des côtes guinéennes ;
  • Promeut une gestion concertée, c’est-à-dire participative, collaborative et inclusive des ressources halieutiques ;
  • Renseigne sur les données ; 
  • Noue, développe la collaboration entre l’Administration et le public ;
  • Permet de mieux comprendre les mesures adoptées et de mesurer leurs impacts sur la vie quotidienne des destinataires, ainsi les actions de l’Etat cessent-elles d’être voilées ;
  • L’appropriation des règles édictées par les exploitants dès lors qu’ils ont participé à leur conception…

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